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L’amour est-il si important quand on vit à l’étranger ? Avoir une expérience loin de chez soi est à la fois excitant et intense. Chaque jour est unique, il se passe toujours quelque chose de nouveau, que ce soit des obstacles auxquels on doit faire face ou des nouvelles aventures que l’on s’apprête à vivre. Certains jours, on a l’impression que l’on pourrait changer le monde, et d’autres, on voudrait juste partir loin, en abandonnant tout ce qu’on était en train de faire, même si on était juste en train d’acheter du pain à la boulangerie. Ces jours-là, surtout après l’adréaline des premiers jours à l’étranger, sont difficiles à gérer, vraiment. Encore aujourd’hui, j’ai énormément de doutes sur mon présent et mon futur, c’est pourquoi je me sens chanceuse de pouvoir partager ma vie berlinoise avec quelqu’un de spécial, mon petit ami, mon amour, mon compagnon. J’aurais pu le faire toute seule bien évidemment, mais combien de temps aurais-je tenu ici, avec seulement ma motivation et ma force ? Quelques semaines, peut-être un an, ou dix.
Je ne sais pas, mais vivre ma vie avec mon partenaire, surtout parce que nous ne sommes pas à l’étranger pendant une courte période, est un plus et je l’en remercie chaque jour. Nos vies sont, bien sûr, plus intenses qu’avant : dans ton propre pays, tu ne remarques pas certaines choses dont tu prêtes attention après l’avoir quitté. Aller chez le docteur, par exemple, a toujours été plutôt facile à faire : tu vas à la clinique, tu expliques tes symptômes, tu écoutes les recommandations, tu achètes les médicaments à la pharmacie et tu rentres chez toi. Facile, mais ici, c’est un peu différent : avant d’aller chez le médecin, on s’assied et on écrit ensemble les mots clés de notre « maladie », on fait des phrases et on essaye d’expliquer ce qui ne va pas en demandant plus de détails.
Avec une bonne dose d’improvisation et de la concentration, il est tout à fait possible de communiquer. Que se passe-t-il ensuite ? La confrontation entre nos différents ressentis et ce qu’on a compris de la consultation, un vrai choc des cultures : « Il a dit que tu devais rester à la maison pendant un moment, ça doit être un virus ! – Pas du tout, il a dit qu’il avait éliminé le virus et que je pouvais aller travailler ! » Bon, à ce moment de la conversation, on peut facilement imaginer ce qui va se passer. La discussion dérive généralement sur d’autres sujets :
« Tu devrais prendre des cours pour apprendre la langue.
– Facile à dire pour toi, tu travailles avec des Allemands !
– C’est pour ça que tu dois prendre des cours.
– Mais je suis trop fatiguée le soir après le travail.
– Et bien tu devrais quand même y aller, fais un effort, ça ne va pas durer éternellement.
– Je suis trop vieille pour aller à l’école de toute façon.
– Tu peux toujours apprendre par d’autres moyens, comme regarder des films, lire des livres ou des articles, écouter des chansons en allemand…
– Mmmh, ok, on verra demain. »
Devinez qui est la reine de la procrastination ? Exactement ! Nous ne sommes jamais d’accord sur ces questions, mais on essaye de coopérer. Au moins, je fais de mon mieux pour effectuer les tâches du quotidien. Je suis un mélange entre l’arbitre de l’appartement, qui s’occupe des factures (Internet, télévision, taxes, électricité, et bien d’autres), et la secrétaire, qui traduit les documents importants et qui appelle le restaurant pour commander une pizza. Pas mal de choses en soi. J’améliore mon allemand à la vitesse maximale. Je me sens plus forte et plus en sécurité, en deux ans j’ai fait d’énormes progrès et j’en suis très fière, vraiment.
Mais parfois, j’aimerais juste pouvoir me reposer, et c’est l’un des motifs de dispute dans un couple, surtout quand l’un des deux a l’impression d’avoir énormément de responsabilités et que l’autre n’a pas le contrôle qu’il ou elle voudrait avoir. Dans tous les cas, rentrer à la maison après une longue journée de travail et le retrouver qui m’attend est toujours un soulagement. Je suis protégée du reste du monde et je peux être moi-même, parler italien (parfois même nos dialectes, le Sarde et le Catalan d’Alghero), et pouvoir exprimer mes pensées dans ma langue maternelle sans avoir peur d’être jugée pour ma mauvaise prononciation.
Après dîner, on s’assied sur le canapé et on rêve de nos projets futurs : il n’y a qu’un seul point commun qui nous lie réellement, le désir, un jour, de revenir à la maison, de retrouver nos familles et de vivre une vie plus simple, loin de la circulation, loin du stress, loin de l’impression d’être des visiteurs dans le pays dans lequel on vit. Ce n’est pas le bon moment pour prévoir des choses, on a encore le temps de rêver et d’imaginer comment ça va se passer. Pour l’instant on profite de notre vie à l’étranger, en faisant en sorte qu’elle soit notre meilleure expérience et en espérant revenir ici un jour, en tant que touristes.